- DULCINÉE
- DULCINÉEDULCINÉESi le mot «dulcinée» sert parfois à désigner par ironie la femme aimée, toutes les dulcinées n’en ont pas moins pour unique aïeule celle de don Quichotte, qui, au moment où il décide d’embrasser la carrière de chevalier errant, choisit pour dame de ses pensées une jolie paysanne, Aldonza Lorenzo, qu’il baptise Dulcinée du Toboso: «Dulcinée», pour que son nom exprime toutes les douceurs; «du Toboso», parce que cette paysanne est originaire de ce village. Dès lors, comme dans les romans de chevalerie qu’il croit revivre, don Quichotte dédie à Dulcinée toutes ses actions. C’est pour Dulcinée qu’il combat, pour elle qu’il souffre, à elle qu’il adresse ceux que son bras a pu terrasser. Quand il parle de Dulcinée, don Quichotte ne tarit pas d’éloges: elle est la plus belle, la plus vertueuse, la «sans pareille».Pourtant, don Quichotte n’est pas toujours dupe de ses illusions. Si sa colère se déchaîne contre ceux qui osent soutenir que Dulcinée ne répond peut-être pas au portrait qu’il en fait, il accepte que Sancho Pança se moque un peu en apprenant que cette princesse des princesses est une villageoise dure à la tâche et qu’il connaît fort bien.Dulcinée est une des créations les plus complexes de Cervantès. Ce n’est pas la simple parodie des héroïnes de roman de chevalerie. Ce n’est pas seulement le jeu, déjà si original, entre la réalité terre à terre et le rêve qui embellit cette réalité au point de la transfigurer et de lui substituer une représentation imaginaire. C’est aussi l’expression raffinée et doucement moqueuse du néo-platonisme des Dialogues d’amour de Léon l’Hébreu (1460 env.-env. 1521) que Cervantès admirait si profondément. C’est enfin un personnage mystérieux qui porte en soi une de ces symbolisations que Cervantès aimait glisser dans son œuvre, n’en donnant le secret qu’à quelques initiés. Dulcinée n’est pas la mythification d’une paysanne quelconque mais d’une de ces paysannes de Castille que l’Inquisition risquait de poursuivre parce qu’elle n’était pas «vieille chrétienne» de souche, ainsi que Cervantès le donne à entendre à ceux qui savent lire entre les lignes, lorsque, prenant la parole lui-même, il raconte, au chapitre IX de la première partie de Don Quichotte , comment il a trouvé le manuscrit de cette histoire chez un marchand de l’Alcaná, au cœur de l’ancien quartier juif de Tolède.• 1718; de Dulcinée de Toboso, femme aimée de don Quichotte, dans le roman de Cervantes♦ Plaisant Femme inspirant une passion romanesque; fiancée, maîtresse. Il est allé voir sa dulcinée. ⇒ bien-aimée.Synonymes :- bien-aimée- chérie (familier)dulcinéen. f. Plaisant Femme dont on est épris (comme Don Quichotte le fut de Dulcinée).⇒DULCINÉE, subst. fém.Fam., p. plaisant. [Avec un possessif ou un compl. de nom] Femme inspirant une passion vive et romanesque. Synon. amante, bien-aimée. Roucouler sous les fenêtres de sa dulcinée (THEURIET, Mariage Gérard, 1875, p. 144). Une romancière rougeaude et velue que Louise appelle avec un petit rire jaloux :« la dulcinée de Charles » (SARTRE, Mots, 1964, p. 28) :• Tu me demandes pourquoi tu es fidèle à ta dulcinée. L'explication est facile : parce que tu ne l'étais pas aux autres.FLAUBERT, Corresp., 1850, p. 240.Rem. La docum. atteste que le mot est souvent employé p. allus. au Don Quichotte de Cervantès. Je conçois maintenant pourquoi on l'appelait Don Quichotte. Il est toujours prêt à redresser les torts. Et puis je gage qu'il a une Dulcinée en Algérie (MÉRIMÉE, Deux hérit., 1853, p. 68).Prononc. et Orth. :[dylsine]. Ds Ac. 1835-1932. Étymol. et Hist. 1718 (LE ROUX, p. 174). De Dulcinée du Toboso (Dulcinea del Toboso), nom donné par don Quichotte à la dame de ses pensées dans le roman de Cervantes (v. don Quichotte). Fréq. abs. littér. :15. Bbg. GOHIN 1903, p. 326.dulcinée [dylsine] n. f.ÉTYM. 1718; de Dulcinée du Toboso, nom de la femme aimée de don Quichotte, dans le roman de Cervantes et dont le héros se fait une image fort idéalisée.❖♦ Souvent iron. Femme inspirant une passion romanesque; fiancée, maîtresse. || Il soupire auprès de sa dulcinée. || Il est allé voir sa dulcinée. ⇒ Bien-aimée.0 Tu me demandes pourquoi tu es fidèle à ta Dulcinée. L'explication est facile : parce que tu ne l'étais pas aux autres. Mais pourquoi à celle-là plus qu'aux autres ? C'est que celle-là est venue à l'époque où tu devais l'être.Flaubert, Correspondance, t. I, Pl., p. 680.
Encyclopédie Universelle. 2012.